Si je pouvais crier ici, je le ferais, mais je ne peux pas. D'abord parce qu'il est presque 4h du mat, et que si je crie, on va me prendre pour la cinglée du village, et hop, camisole et zou, en cellule.
Donc je me retiens. Mais alors la cocotte, elle mijote. J'ai baissé le feu, mais elle mijote tout de même.
Merde, je n'en peux plus que l'on me prenne pour une conne, ou une moins que rien, ou une vieille qui n'a rien compris à la vie.
Certes, je n'ai pas travaillé pendant 40 ans, à me tuer à la tâche et cela a toujours été mon choix. J'ai toujours primé ma liberté avant tout. Et maintenant, à l'aube de ma retraite, je ramasse les clopinettes que j'ai plantées, c'est-à-dire rien, tchi que dalle.
Si si, je ramasse le peu que j'ai cotisé, oui oui, je ramasse. Je suis une assistée. Et je vis confortablement. J'ai l'internet, l'eau, le gaz, et un toit sur ma tête. Même que j'ai un lit et une machine à laver, wouah le luxe. jJ'ai même une cafetière, wouaouh le super luxe.
Et j'arrive encore à m'acheter et à manger et à boire, comme disait un certain Coluche.
Pour combien de temps, ça c'est la grande question.
Je n'ai jamais été pauvre, mais je n'ai jamais été riche non plus. Le strict minimum pour vivre. Certes, j'ai un pécule de côté qui me vient de feue ma mère, mais je n'y touche pas, ou peu. Dans ma tête, c'est son argent et je ne le dilapide pas. C'est pour mes vieux jours. Mais c'est quand les vieux jours ???
Un jour, j'en parlais à mon fils, normal, et on spéculait sur l'âge de ma mort pour savoir combien je pouvais dépenser par mois. Seulement on est bien tombé d'accord sur le fait que l'on ne connaît pas la date de sa mort. C'est fou, non ?
Mais au moins, avec mon fils, on peut parler librement de fric, chose qui était totalement interdite, voire tabou avec ma mère. Elle qui a travaillé toute sa vie et qui a économisé sou après sou. Qui avait planqué dans son linge des billets d'anciens anciens francs. Enfin pas grand chose, je suppose que de sa part, c'était plutôt affectif, ou alors elle avait carrément oublié, peuchère elle était tellement malade...
Sa maison était pleine de robes, chemisiers, paperasses, tout bien classé, tout bien empilé, mais le jour où il a fallu que je nettoie toute la barraque, boujour ! Un mois entier il m'a fallu. Et heureusement que je suis fille unique.
J'ai commencé par la paperasse. La grande table de sa soi-disant salle à manger, déjà un tri par le vide sur toutes les revues. Il y en avait bien trente centimètres de hauteur sur trois coins, zou, à la baille, du tri, de la place.
Bé ma carelle, quel boulot, quel taf ! Déjà commencer à téléphoner pour dire qu'elle était DCD. Condoléances patin machin coufin. Prévoir une copie du bulletin de décès pour solder les comptes. Une semaine en gros cela m'a pris, pendant que je vidais la cave de vieilles bouteilles qui dataient de feu mon père et qui étaient transformées en vinaigre, pouark ! Sur quarante bouteilles, j'ai dû en trouver deux de pas trop mauvaises. Que je me suis sifflée allègrement tout au long de ce job, pour me donner du coeur à l'ouvrage. Non, ce n'est même pas ça. Je vais dire et c'est vrai, pour ne pas gaspiller. Pendant que toutes les autres bouteilles, pouark, dégueulasse, je me revois encore les vider une par une dans l'évier.
Alors qu'une fois, au petit matin, sans avoir dormi de la nuit, j'étais dans le grenier en train de virer des gravats, l'ex de ma mère arrive. Tout frais et dispo. Il a dû sentir l'odeur des bouteilles que j'avais vidé dans l'évier.
"Quoi, t'es bourrée, tu n'as pas de respect pour ta mère..."
Mon sang n'a fait qu'un tour et ni une ni deux, j'ai pris mes cliques et mes claques. J'étais hébergée à l'époque chez mon fils qui habitait un tout petit studio et il hébergeait lui-même un black. Voila le sketch. J'arrivais, crevée, naze et ne voulait que dormir. Eux ils se réveillaient. Tout ça après 1h30 de transport en commun.
"Bonjour, bonsoir.." je m'écroulais sur le lit de mon fils, 2 secondes après je dormais. Il y aurait pu avoir une bombe que je n'en avais rien à battre.
Je crois que ce jour-là, j'ai du dormir de 9h du mat jusqu'au lendemain vers 5 ou 6h du mat. Presque deux fois le tour du cadran. Il me fallait bien ça pour récupérer et y retourner, car la bataille ne faisait que commencer...
Un mois cela a duré.
Mais pourquoi je vous raconte tout ça ???
A oui, cela me revient en regardant le titre. Bé je ne sais plus pourquoi cela allait mal. Enfin si mais non.